Interview de Pol Grégoire et Diane de Brouwer

Concepteur de l’Alimentation Vive, Pol Grégoire croise la plume avec Diane de Brouwer, conseillère en nutrition et nutrithérapie, pour un livre de recettes et d’informations qui réhabilite le « grand méchant sucre », sous ses formes naturelles, complètes, non industrielles, et dans un contexte alimentaire précis.

Fruits, oléagineux, herbes aromatiques, fleurs comestibles, épices et céréales germées composent les plats complets et les desserts en grande majorité crus dont Pol Grégoire nous livre les recettes dans L’Ose et la Manière. Tandis que cet homme de la terre documente et nuance les façons de donner naissance avec conscience à cette alimentation vivante déclinée dans des saveurs douces, Diane de Brouwer apporte son point de vue complémentaire de citadine, en un ouvrage à deux voix qui ne dicte rien, mais ouvre des portes et invite à garder l’esprit critique éveillé. « ‘Ose’ est le terme scientifique qui désigne le sucre simple. Dans notre titre, il dit aussi qu’on a encore le pouvoir d’oser alors qu’on est manipulé », plaide le duo.

Quel est l’objectif de ce livre?

Diane de Brouwer : Le sucre est la plus grosse addiction. Il crée une réaction chimique, une montée de tryptophane dans le cerveau, qui déclenche un bien-être mais de courte durée, d’où l’envie d’en reprendre et une glycémie en yo-yo. C’est donc important de trouver comment s’en sortir, tout en ne boudant pas le plaisir de la saveur sucrée. Le besoin de sucre est relatif parce qu’on peut très bien se contenter de sucre végétal, présent dans les fruits et les légumes. Le grand principe, c’est de faire baisser l’indice glycémique. Quand on associe un acide gras ou une protéine à un sucre, l’indice glycémique est plus faible. La digestion du sucre ralentit et n’entraîne pas de pic d’insuline.

Pol Grégoire : Le sucre crée des indigestions, des ballonnements, fait grossir. La tendance est à enlever tous les sucres de son alimentation, à les diaboliser, sans se rendre compte qu’on en mange tous les jours, via les pâtes, les pommes de terre, les farines blanches, les sucres rapides cachés dans la nourriture industrielle, qui sont acidifiants parce que raffinés… Nous essayons de n’utiliser que des sucres complets qui sont dans un contexte tel que la nature les a conçus. La notion de totum sous-tend l’idée que le tout est supérieur à la sommes des parties. Les aliments qu’on trouve dans la nature sont généralement bien perçus par notre organisme. Ceux qu’on recrée n’auront jamais la même valeur nutritionnelle. C’est aussi très important de bien associer les sucres. Pour faire un repas, on a besoin en plus de protides et de lipides. Et ces substances-là, pour être digérées, nécessitent des catalyseurs, des enzymes. Une simple digestion, c’est plusieurs milliards de réactions chimiques qui commencent dans la bouche.

Beaucoup de gens bannissent les céréales à cause d’une intolérance au gluten. Pourquoi cette intolérance est-elle beaucoup plus présente qu’avant?

PG : Le gluten, c’est de la farine blanche : on a retiré toute l’enveloppe du grain, on a enlevé le germe et la vitamine E. Quand on mange du pain blanc, on mange du gluten à l’état pur. Il y a 100 ans, la maladie coeliaque était très rare, maintenant elle est présente chez certains enfants encore en gestation dans le ventre de leur mère. Le corps compense pendant quelques générations, puis cela devient pathologique et cette incapacité à gérer le gluten se transmet. Quand on crée un déséquilibre, il y a toujours un effet négatif.

Pour être intéressantes nutritionnellement, les céréales complètent nécessitent une manipulation (les tremper 1, 2 ou 3 fois 12h selon le cas, puis les faire germer dans un germoir ou un chinois) afin de les débarrasser de leur acide physique, un antinutriment doublé d’un inhibateur d’enzymes…

D. de B. : C’est aussi notre but dans ce livre de revenir à des manipulations ancestrales, qui étaient le bon sens autrefois et qui ont été perdues dans notre société industrielle avec l’apparition des grandes surfaces. Cela nous a fait oublier comment on traitait, quelle est notre physiologie, comment on digère (ni comme un ruminant ni comme un oiseau)…

P. G. : Très peu de gens le savent. C’est une hérésie parce qu’on est dans uns société qui encourage à aller vers des grandes cultures très rentables qui utilisent les produits du pétrole pour pouvoir se développer, avec des engrais et des pesticides.

Vous soulignez le rôle majeur des enzymes lors de la digestion et donc la nécessité de les préserver.

D. de B. : Nous ne sommes pas végétariens ou végétaliens ou crudivores. Mais quasi tout est cru dans le livre. Pour préserver le capital enzymatique de l’aliment. Cela devient très rare mais si on ne fait pas cela, on détruit son pancréas. Tout mode de cuisson élimine les enzymes dès 42°, mais aussi la vitamine C, la chlorophylle. La vitamine B est un peu plus résistante mais ne subsiste pas au-dessus de 100°.

Propos recueillis par Isabelle Blandiaux